C. Champod u.a.: Le théâtre du crime: 1875-1929, Rodolphe A. Reiss

Cover
Titel
Le théâtre du crime - 1875-1929 : Rodolphe A. Reiss.


Autor(en)
Champod, Christophe; Daniel Girardin, Nicolas Quinche, Luce Lebart, Pierre Margot, Jacques Mathyer, Eric Sapin
Erschienen
Lausanne 2009: Presses polytechniques et universitaires romandes
Anzahl Seiten
319 p.
Preis
URL
Rezensiert für infoclio.ch und H-Soz-Kult von:
Éloi Contesse

Cet ouvrage est le catalogue de l’exposition éponyme présentée au Musée de l’Élysée, du 27 juin au 25 octobre 2009. Il constitue une sorte de monument à la mémoire de Rodophe Archibald Reiss, chimiste, photographe, enquêteur, que la postérité retiendra surtout comme le fondateur de la première école de police scientifique au monde à l’Université de Lausanne en 1909.

Une première partie propose un grand choix parmi les photographies exposées durant l’exposition, reproduites avec un soin extrême. On y découvre les différentes facettes de l’activité criminaliste de Reiss. Les légendes explicitent le contenu des photographies en utilisant des passages de l’oeuvre publiée de Reiss (ses manuels de criminalistique ou ses articles), des extraits des cahiers d’expertise en lien avec les images, ou bien des textes concernant l’activité de Reiss par d’autres auteurs. Au centre de cette partie illustrée, 12 cahiers de 4 pages sur fond noir repliées en rabat documentent des scènes dures et difficilement soutenables pour les non-habitués. Les rabats sont apparemment là pour éviter cette vision pénible à ceux qui voudraient profiter des intéressantes contributions sans subir ces images. Dans le même temps, les cahiers invitent à déplier et à regarder. En outre, le fond noirmet en évidence le tout d’une manière assez théâtrale, scénarisée en quelque sorte.

Au sortir de ce portfolio, on a déjà une assez large vision de l’éventail des procédés mis en place parReiss, dans le but de contribuer à l’identification des auteurs de délits et de crimes. On peut regretter cependant qu’il ymanque régulièrement des indications sur le contexte de prise de vue, renseignant sur le lieu, l’affaire correspondante et la date.

Parmi les contributions, Nicolas Quinche nous retrace en trois textes le parcours de Reiss qui fera de lui un pionnier de la criminalistique et son engagement sur le front serbe de la Première Guerre mondiale pour documenter les exactions des troupes austro-hongroises sur la population civile, ainsi qu’en dernier lieu une présentation sur la thématique du tatouage, qui permet de mieux comprendre ces portraits qui figurent parmi les clichés dont on se souvient le mieux lorsque l’on a à traiter des archives policières.

L’article suivant de Pierre Margot, Christophe Champot et Éric Sapin, respectivement directeur, professeur et photographe à l’Institut de police scientifique de l’Université de Lausanne, développe les apports concrets de Reiss. Assez pointu, ce texte recadre le champ, en nous rappelant dans quel contexte travaillait notre homme. En effet, si l’on peut trouver d’excellentes qualités formelles à ces images, c’est qu’il faut des compétences techniques parfaites pour obtenir des résultats conformes aux attentes: «Le flou dû à un manque de profondeur de champ ou la déformation due à des aberrations optiques sont considérés comme des tares alors que la précision du détail est toujours recherchée» (p. 255). Étant donné que ceci doit pouvoir être accompli même dans les conditions les plus difficiles, on se rend compte ici de la virtuosité de Reiss et de ses successeurs qui cherchent à obtenir le maximum de la technique qu’ils ont à disposition, tant au moment de la prise de vue que lors du développement des tirages.

La contribution de Luce Lebart apporte le regard d’une spécialiste des archives photographiques, qui a notamment participé à l’organisation de l’exposition Preuve par l’image à la Fondation Claude Verdan à Lausanne (octobre 2002-avril 2003). Particulièrement intéressants sont les compléments qu’elle présente sur les apports de Reiss au débat sur la photographie, notamment en tant que rédacteur en chef, dès 1902, de la Revue suisse de photographie. C’est elle qui aborde de la manière la plus directe – quoiqu’un peu trop synthétique – la question de la matérialité des sources utilisées pour cet ouvrage, à savoir les archives photographiques issues de l’activité de Reiss.

De son côté, Daniel Girardin, conservateur au Musée de l’Élysée, s’exprime sur le statut des photographies issues de l’activité de la police scientifique, et le regard porté par le spectateur contemporain. Ses commentaires donnent également à comprendre ce qui a guidé les choix de l’exposition et du catalogue: «Extraites de leur temps et de leur contexte, devenues des représentations, les photographies de police provoquent des sentiments qui vont de la répulsion à la fascination» (p. 283), et à la page suivante: «Les objets, indices et traces photographiés par les spécialistes de la police scientifique deviennent, hors du contexte de l’instruction et du dossier à charge, de très belles images, aux qualités formelles remarquables.»

Il s’agit d’un ouvrage qui marque son domaine, mettant en valeur le parcours d’un personnage hors du commun, trop peu connu. Par ailleurs, il y a dans ces contributions et le traitement de ces images un parti pris qui a le mérite d’être lisible et qui permet l’ouverture d’un débat sur un sujet resté un peu en marge des préoccupations des professionnels des domaines touchant aux sciences historiques et à la gestion du patrimoine. Quel est le statut des archives photographiques? Doit-on justifier d’une valeur artistique pour pouvoir les mettre en valeur? Ce sont en effet des questions auxquelles on répondra différemment, selon que l’on est historien de l’art, historien tout court, archiviste ou muséologie.

Citation:
Éloi Contesse: Compte rendu de: Le théâtre du crime: 1875-1929, Rodolphe A. Reiss, avec des contributions de Christophe Champod et al., Institut de police scientifique de l’Université de Lausanne/Musée de l’Élysée, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2009. Première publication dans: Revue historique vaudoise, tome 118, 2010, p. 279-282.

Redaktion
Veröffentlicht am
21.06.2012
Autor(en)
Beiträger
Redaktionell betreut durch
Kooperation
Die Rezension ist hervorgegangen aus der Kooperation mit infoclio.ch (Redaktionelle Betreuung: Eliane Kurmann und Philippe Rogger). http://www.infoclio.ch/
Weitere Informationen
Klassifikation
Region(en)
Mehr zum Buch
Inhalte und Rezensionen
Verfügbarkeit